Clémentine Célarié… et la gorge se noue
“24 heures dans la vie d’une femme” *****
QUAND PRECIOSITE EST SYNONYME DE PUDEUR ET D’EMOTION
J’eus un temps la dent dure à l’encontre de Stefan Zweig, trouvant son style trop doux, maniéré, désuet, lui préférant des contemporains plus percutants, philosophes de leur époque. Et puis le temps a lentement fait son œuvre.
Le cinéma -cette même nouvelle fut une occasion rêvée pour Agnès Jaoui d’une interprétation sombre et tourmentée- et le théâtre m’ont permis de saisir ce qui ce cachait entre les lignes, derrière une façade par trop académique ou romantique. Zweig est avant tout un humaniste à la recherche du sens de la vie, de l’amour le plus pur et peut-être de Dieu tant certains personnages sont emprunts d’une grâce et d’une spiritualité commune aux fervents et à ceux qui doutent… souvent les mêmes d’ailleurs.
Eric-Emmanuel Schmitt et Steve Suissa, une énième fois, parviennent à réinventer un récit sans jamais en pervertir l’esprit, dans une mise en scène épurée autour de quelques draps où se projettent les décors de cette tragédie grecque.
UNE GRANDE ACTRICE AU BORD DU VIDE
Car c’est bien cela qu’évoque le drame d’une femme qui erre de ville en ville, l’argent comme seul compagnon. Veuve et devenue dispensable pour ses enfants, il ne lui reste rien, juste le souvenir d’un amour perdu à jamais. Le temps d’une journée d’illusion, l’irruption dans sa vie d’un jeune homme torturé par l’addiction au jeu, va bouleverser ses repères. Elle reniera tout, sa famille, ses principes, sa dignité ou en tout cas le croit-elle. Clémentine Célarié, le cœur au bord des lèvres, se jette dans la bataille.
Le sauvera-t-elle ? Au prix de se perdre elle-même ? Les sanglots dans la voix, le souffle court, elle parvient à rendre l’émotion de chaque mot. Aimer une dernière fois, éperdument. Pour ne pas regretter, pour avoir tout donné. L’actrice atteint un sommet, portée et habitée, emportée par une émotion qui nous étreint d’un bout à l’autre de la pièce. Le public en redemandera car il est rare de s’autoriser ne serait-ce que quelques larmes, même dans la pénombre d’une salle de théâtre. Clémentine, elle, ne triche pas. Même si ça fait mal.
Comédie dramatique d’environ 1h30
Du 10 avril au 29 août au Théâtre Rive Gauche ; du mardi au samedi à 17, 19 ou 21 h selon les jours
Auteur : Stefan Zweig
Adaptation : Eric Emmanuel Schmitt
Metteur en scène : Eric-Emmanuel Schmitt
Avec : Clémentine Célarié, Loris Freeman, Samuel Nibaudeau
PITCH
Une femme rangée traîne son ennui dans les casinos. A Monaco, elle rencontre un jeune homme qu’elle décide de sauver du jeu. Du moins le croit-elle… Vertige et confusion des sentiments… Jusqu’où la passion nous conduit-elle ? Chacun se reconnaîtra dans ce chef-d’oeuvre.
Jamais Zweig n’a montré, avec autant d’intensité, la personne inconnue qui se tapit au fond de nous, et qui attend son heure… Un voyage fascinant dans la complexité humaine.
“Comprendre. Comprendre sans juger. Telle fut l’obsession de Stefan Zweig. Et telle fut sa réussite, puisque, un siècle plus tard, on le lit davantage qu’en son temps.” Eric-Emmanuel Schmitt
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