Théâtre

Huster dans l’antre de la folie

Le joueur d’échec : ****

4 HOMMES POUR EMPORTER LA PARTIE

Cette scène pourtant si exigüe et discornue est décidément le sein d’un plaisir permanent depuis qu’Eric-Emmanuel Schmitt assure la direction artistique du Théâtre Rive Gauche. Après m’être délecté de “Miss Carpenter”, “L’affrontement” et autre “The Guitrys”, la série s’est poursuivie en beauté avec ce chef d’oeuvre de Stefan Zweig. Véritable chant du cygne pour l’auteur autrichien, Schmitt adapte magnifiquement la nouvelle, noire et vénéneuse, avec l’idée lumineuse de l’encadrer par une scène au Brésil, où l’écrivain et son épouse Lotte décidèrent de se donner la mort, anéantis par l’horreur et les millions de morts emportés par la seconde guerre mondiale. Un texte précieux, précis, admirable d’humain et d’humanité, une adaptation au couteau… il n’en faut pas davantage pour séduire un public captivé dès les premiers instants. Rajoutez à cela la mise en scène discrète mais tout en clair-obscur et imaginative de Steve Suissa et un Francis Huster au sommet de son art, visiblement habité jusqu’en dehors de la scène par le personnage central que l’enfermement et la solitude ont conduit aux portes de la folie.

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UN RENONCEMENT OU LA DERNIERE PARABOLE

Zweig et Schmitt nous installent très habilement dans une fable qui n’aurait d’autre prétention que de dire l’orgueil d’un combat de coqs, dans l’ennui étouffant d’une traversée transatlantique interminable. Battre le champion du monde d’échecs, si arrogant et fat de lui-même… le rêve idiot devient possible quand le hasard amène un allié, certes de poids mais dont on ne sait rien encore. Le spectateur comme les coéquipiers auraient du se méfier. La voix off et malade de l’épouse de Zweig, lasse de sa maladie et des affres du monde, annonçait une tournure funeste à cette présomptueuse entreprise. Le combattant fourbit des armes factices. L’allié providentiel dira bientôt, dans une fièvre terrorisée proche de la folie pure, les parties apprises par coeur dans l’isolement d’une chambre vide. Un manuel d’échecs volé comme seul lien à la vie ? De quoi rendre fou, à l’instar des interrogatoires venant ponctuer la monotonie de l’emprisonnement. Huster, en un éclair, se transmute. Pas d’issue, aucune chance d’échapper aux tortionnaires, à la damnation de la guerre. Et voici que l’histoire devrait recommencer sur un paquebot censé mener à la liberté ? L’intelligence pèse souvent bien peu face à la raison du plus fort. La pièce nous le rappelle amèrement malgré le plaisir un rien coupable.

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Auteur : Stefan Zweig

Adaptation : Eric-Emmanuel Schmitt

Mise en scène : Steve Suissa

Avec : Francis Huster

Théâtre moderne d’environ 1h15

Pitch :

Fuyant la guerre, Stefan Zweig prend le bateau qui l’emporte en Amérique du Sud. Pendant la traversée, un combat s’engage qui le passionne, ainsi que tous les voyageurs : au-dessus d’un jeu d’échecs s’affrontent le champion du monde Csentovic, une brute lente, cupide, inculte, antipathique, qui n’a jamais perdu une partie, et le mystérieux Monsieur B, un aristocrate viennois, sensible, raffiné, qui vient d’échapper aux griffes de la Gestapo.

Qui gagnera ? L’intelligence et la culture ont-elles encore une chance dans ce monde qui sombre dans la barbarie ?

Cette fable palpitante qui nous emmène jusqu’aux frontières de la folie est considérée comme le chef d’œuvre de Stefan Zweig. Après l’avoir achevé, il se donna la mort en compagnie de sa femme, Lotte.

Du 3 septembre 2014 au 31 mai 2015 ; horaires et jours variables selon la semaine

> Le Théâtre Rive Gauche

6, rue de la Gaîté – 75014 Paris
T : 01 43 35 32 31

Réservations

Bande annonce

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