Noir c’est noir
Le cinéma est très sombre depuis quelques semaines. Accrochez-vous, on vous emmène faire un tour en enfer…
“L’ASTRAGALE” ****
Belle adaptation d’une histoire vraie, celle d’une écrivain qui cachait son talent derrière les frasques d’une braqueuse échappée de prison. Elle sera bourlinguée entre l’amour de sa compagne de vol puis celui de son mec taulard. Mais les instants à deux resteront aussi fugitifs que les protagonistes. Elle finira par se faire arrêter au moment où tout redevenait possible. Et mourra de maladie à l’âge de 28 ans. Un joli rôle pour Leila Bekhti sans une réalisation en noir et blanc, au noir profond des photographes de l’école française.
“CONNASSE” ***
Les films adaptés de pastilles ou de sketches télé sont rarement des réussites totales. Celui-ci n’échappe pas à la règle même si les vannes sont souvent d’une redoutable efficacité. La difficulté pas totalement surmontée, tient à faire coexister un scénario forcément pauvret et le concept des instants saisis sur le vif en caméra caché. La tentative est cependant louable et le résultat, cahin-caha, pas mauvais. C’est irrévérencieux, Canal+, un brin trop mondain pour être vraiment punk mais soit.
“EVERYTHING WILL BE FINE” ****
Win Wenders de retour, enfin, avec un film sombre et lent dont il a le secret, en 3D ce qui est plus étonnant et pas inintéressant pour des cadrages en profondeur très picturaux. Le réalisateur allemand choisit un casting très équilibré pour suivre sur une petite vingtaine d’année les conséquences d’un accident de voiture ayant coûté la vie à un enfant. Avec beaucoup de force et de grâce, Wenders pose sa caméra comme une plume sur les sentiments de l’écrivain ayant commis l’irréparable et gère comme il peut, ce qui lui voudra tour à tour l’incompréhension de la première petite amie, de la seconde, un peu moins de la mère -encore que- puis de son second fils. Étonnant comme à chacune des réalisations du maître.
“DARK PLACES” ***
Une des plus belles actrices du monde se montre ici dans une histoire glauque à souhait. Témoin mais pas vraiment de sa mère et de ses sœurs alors qu’elle était toute petite, Charlize Terron est contrainte de s’interroger 30 ans plus tard sur ce qui s’est réellement passé cette nuit-là. Aurait-elle envoyé à tord son frère en prison ? La vie est ici sordide et ceux qu’on y croise plus noir que du sang séché. Des innocents en paient les pots cassés. Le climat est plus que lourd. Dommage que le pseudo club d’enquêteurs privés permettant d’élucider l’affaire soit un peu bidon.
“EN EQUILIBRE” ***
Ce film en rappelle d’autres, sans que ce soit totalement du plagiat. On n’est pas toujours loin de certaines réalisations télé non plus, surtout pendant les deux premiers tiers. Après le faux combat entre la victime bougonne et la jolie assureuse, l’histoire se penche enfin sur la reconstruction et les rêves de vie que tous deux poursuivront. Et chacun de leur côté, ce qui démontre un certain courage scénaristique.
“CAKE” *****
Bouleversante interprétation d’une Jennifer Aniston inattendue dans un tel rôle et dans un film indé. Fracassée, enlaidie, méconnaissable, à la dérive mais forte à la fois, elle campe une mère ayant perdue son petit garçon dans un accident de voiture où elle a par ailleurs été dévisagée. La douloureuse reconstruction, ou l’illusion de repartir de l’avant, les addictions, le rejet de toute main tendue, la difficulté de mettre des mots, la culpabilité, la haine contre une suicidée qui elle aurait pu faire le choix de vivre… on est rudement secoué du début à la fin. Quelques anges bien réels, tous magnifiques de justesse et d’amour, vont déployer leurs ailes, le temps à cette maman broyée de sortir la tête de l’eau pour s’autoriser enfin à respirer. “Cake” est pur et dur, sec et abrasif. Pas vraiment une douceur, donc, mais quel beau film.
“LOST RIVER” ****
Wim Wenders, David Lynch, Terry Gilliam, Nicolas Winding Refn bien sûr et même Alan Parker… les références sont légions, mais assumées même si pas totalement digérées. Le premier film du surdoué Ryan Gosling est une réussite car le scénario oscille entre conte social et onirisme symbolique, sans jamais verser dans un côté trop ou seulement esthétisant, reproche que l’on peut faire à un autre maître probable du comédien-metteur en scène, en l’occurrence Terrence Malick. L’étrange affleure sans nous perdre, quelques éléments de l’histoire sont manquants ou peu compréhensible mais tout tient parfaitement debout et sa place au plus grand bénéfice des comédiens mis en valeur par des dialogues économes, une bande son envoutante et surtout le grain d’une pellicule aux accents fauvistes… prometteur !
“INDIAN PALACE, SUITE ROYALE” ***
Est-ce parce que le décor n’a pas changé ? Sont-ce les personnages déjà connus ? Ou la présence de Richard Gere qui aura toujours joué sur le même registre, “American gigolo” étant l’ovni de sa carrière ? Toujours est-il que je n’ai pas retrouvé la magie du premier volet si ce n’est à la toute fin. Cette seconde histoire à tiroirs – 5 couples doivent se former et la solitaire le restera, bon, ok- au scénario peu inspiré fonctionne moins bien que la première. Les suites sont souvent royales sur la papier. Mais là, une fois de plus, la pub était un peu mensongère.
“CENDRILLON” **
C’est gentil mais rien ne dépasse de cette adaptation due à Kenneth Branagh qu’a connu plus baroque ou gothique. Le casting est sans saveur, y compris Cate Blanchett en belle-mère mais à l’exception d’Helena Bonham Carter, rayon de soleil en fée… burtonnienne bien sûr.
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