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Quand le pouvoir saigne : Makbeth selon Le Munstrum Théâtre

Pouvoir, ténèbres et catharsis
Makbeth ou la tragédie de la violence humaine

Pouvoir, ténèbres et catharsis / force du symbole / magnifiques effets visuels

« Nous montons Makbeth car la douleur de ce monde est insupportable. » Louis Arene, metteur en scène.

Une ouverture en enfer
La guerre mise à nu : dénoncer l’escalade meurtrière

Première scène, l’intention est plantée comme l’est la silhouette sur le plateau :
guerre, feu, cris, membres et sang pour dénoncer l’escalade meurtrière des puissants d’hier et de maintenant.
La compagnie Alsacienne Le Munstrum Théâtre n’édulcore rien dans cette version coup de poing du Macbeth de William Shakespeare.
Blessés, entrailles, déflagrations, cruauté, une longue scène d’introduction à la réalité de la guerre, celles du temps du Barde anglais, celles d’aujourd’hui encore. Pour ne pas oublier que, la guerre, ça consiste avant tout à tuer des gens. À massacrer son prochain. Et que l’humanité en est encore là sous le vernis de la civilisation. Le dégoût suscité est plein de sens et efficace.

Macbeth, figure grotesque du pouvoir
Ridicule, barbarie et vertige de l’ambition

Macbeth, au ralenti, masque figeant le haut de son visage, hurle épée à la main, ridicule et surpuissant des massacres qu’il vient de commettre avec son armée.
Regarder la violence en face, le ridicule aussi, celui des Macbeth assoiffés d’un pouvoir qui n’est que néant pour eux et chaos pour tous les autres. Vaine folie. « C’est le jour et c’est la nuit », constate Macbeth, « Jamais rien vu de tel. »
L’ambition des Macbeth les réduit à la barbarie et à la bêtise. On les voit, idiots, aller vers l’escalade meurtrière. « J’ai des choses dans la tête, qui veulent rayonner dans ma main avant qu’on les dissèque «, déclare Macbeth, gluant de sang visqueux, rouge comme l’enfer.

La mécanique de la folie
Quand le sang devient langage

Plusieurs scènes marquantes, qui feront date : la sorcière, prophétique des malheurs qui suivront, sort d’un magma noir et brillant, elle en est recouverte comme le seront les ombres qui dévoreront Macbeth fou. « Plein de scorpions est mon esprit. »
Un mur qui saigne.

L’assassinat du roi, montré dans sa vulgarité, son abjection ordinaire et le sang qui gicle sur un décor de drapés immaculés. La scène des funérailles, son ridicule, la trivialité des luttes pour s’emparer de la couronne sur le corps d’un monarque encore
chaud de vie. Des charognards qui se battent, se déshumanisant eux-mêmes. Une scène particulièrement réussie et emblématique de la proposition du spectacle dans son ensemble.

Le banquet de la déchéance
Banquo ou la matérialisation du remords

Le fantôme de Banquo, qui nait de la nappe du banquet de la décadence, en sort, puis avance jusqu’à Macbeth terrorisé en bout de table. Banquo en linceul ambulant et la bande son qui s’emballe, la folie prospère. Déchéance.

Apogée visuelle et émotionnelle
La scène de la folie : une dévoration sublime

La plus belle scène : celle de la dévoration de Macbeth par la folie…à regarder plutôt qu’à raconter. On peut aller voir ce spectacle juste pour cette scène. Splendide !

Esthétique de la cruauté
Magnifiques effets visuels et brutalité incarnée

Un spectacle fait de trivialité, de sueur et de sang. D’images frappantes où sens et beauté vont de pair. Un spectacle puissant sur la domination vaine et aveugle.Il s’agit d’une adaptation, le texte n’est pas seulement celui de Shakespeare, de nombreuses libertés sont prises, Shakespeare y survit et en est augmenté. La troupe prend des raccourcis, pourquoi pas ? Cela permet d’éclairer le trivial des ambitions du couple Macbeth.

On peut tout se permettre avec Shakespeare, c’est le privilège des très grands.

Métamorphose
La catharsis comme acte de résistance

Une pièce sombre ? Oui, mais pas seulement. Le Munstrum Théâtre propose une catharsis par l’humour et la métamorphose. Nous plongeons dans l’horreur pour faire face à nos ténèbres personnelles, et combattre le chaos ensemble. La troupe a d’ailleurs inséré dans le feuillet distribué avent le spectacle un texte pour affirmer sa solidarité avec les peuples actuellement victimes de guerres et de génocides. Pour également proposer au public de soutenir l’action d’Amnesty International.

Culture en péril
Quand le pouvoir contemporain menace la création

85 représentations, 40 personnes impliquées dans cette création, 3 années de travail. De quoi rassurer cette troupe Alsacienne sur son futur ? Malheureusement non, les coupes budgétaires actuelles sont drastiques, qui mettent toujours plus en danger la culture. Jusqu’où le pouvoir osera-t-il aller dans la casse de ce bien commun ? Le porte-parole de cette production pose la question après le spectacle.

Par Anne Vassivière

Makbeth au Rond-Point
Une expérience dérangeante et essentielle

Makbeth – Munstrum Théâtre
Jusqu’au 13 décembre au théâtre du Rond-Point

TOURNÉE 2025-2026

20 novembre au 13 décembre 2025 – Théâtre du Rond-Point (Paris)

5 et 6 mars 2026 – Le Carreau, scène nationale de Forbach et de l’Est mosellan

11 et 12 mars 2026 – MC2 : Grenoble

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