MusiquePortraits et Interviews

Le Moustique du Rock N Roll


Vidéo de Moustique chantant Jambalaya filmée au Petit Journal Montparnasse, 13 rue du Commandant Mouchotte – 75014 Paris
http://www.PetitJournalMontparnasse.com

Un homme petit, avec une casquette kaki, nommé “Moustique” est appelé par Vigon & les Rolling Dominos sur la scène du Petit Journal Montparnasse.

Je ne l’avais jamais vu.
Emballée depuis déjà une bonne heure par un concert Rock’n Roll et pêchu, avec des musiciens habillés de rouge et de noir, trompettes, saxo, guitares, batterie, clavier et basse, Erick Bamy, Jay et Vigon de la partie, je ne suis pas au bout de mes surprises.

Moustique prend le micro, et la musique commence.
Ce petit homme devient grand tout à coup et avec son attitude,en jean et tee-shirt, il se transforme tout à coup en rockeur en blouson noir.
Il chantera du Rock N Roll pur et le public suivra.

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Surnommé “Moustique”, Michel Grégoire de son vrai nom, est né le 16 août 1942 dans le quartier de la Bastille à Paris, endroit qu’il affectionne encore aujourd’hui. Dans les années 60, il est rebelle, fréquente les blousons noirs et, à la façon West Side Story, affronte d’autres bandes de jeunes. Une guitare offerte par sa mère, la rencontre de deux géants du rock’n roll, Little Richard et Gene Vincent, et Moustique se pique à cette musique qu’il ne reniera jamais plus.

Moustique : 50 ans de rock’n roll et la passion reste intacte
Moustique : il est comme ça ! Petit par la taille, grand par le coeur et, immense quand son corps vibre au rythme du rock’n roll. Une rencontre émouvante avec un artiste – avec des bleus au cœul – , qui se raconte avec simplicité, mais aussi avec une authenticité à vous faire fondre. Sa passion pour le rock’n roll, il la vit comme personne depuis plus de quarante ans et nous l’offre comme un héritage. Moustique, il est comme ça !

Propos recueillis par Liliane Boyer en 2007 et interview publiée avec l’aimable autorisation du magazine Nos Tendres et Douces Années

Dans quelles circonstances êtes-vous tombé dans la “marmite” du rock’n roll ?
C’est une histoire assez délicate. J’ai appris que mon père n’était pas mon père, j’avais 12 ans. J’ai fait une fugue, puis j’ai découvert le rock’n roll dans une fête foraine de la Bastille et je suis tombé amoureux de Gene Vincent et Little Richard. J’avais l’impression que l’on m’avait volé quelque chose avec mon beau-père et je me suis refait deux pères tout de suite.

Racontez-nous l’enregistrement de votre premier 45 tours ?
C’est l’histoire de l’Olympia ! Il y avait un concours et sur 159 chanteurs, je suis arrivé 2e.
Puis, la presse s’est mise dessus et c’est pour ça que je suis au bout du rouleau, parce qu’ils m’ont tout fait faux depuis 40 ans. Même Papon s’en est mêlé pour m’interdire de chanter à Paris. Tout ça à cause d’Hallyday. Après tout le monde attendait la poignée de mains Hallyday-Moustique.
Je n’en veux pas à ce garçon, il amène de la joie et du bonheur aux gens, il est formidable. Mais le mal qu’ils m’ont fait… C’est comme le spectacle de la Nation, ils ne m’ont pas fait chanter. Ils ne voulaient pas que les gens puissent faire des comparaisons. La presse a été capitale. Capitale dans le sens qu’elle était contre moi et en même temps avec moi. Car il y avait plein de gens à l’époque qui n’aimaient pas Hallyday et tous ceux qui ne l’aimaient pas ont misé sur moi. Et je suis devenu un jeu de quilles dans l’histoire, sans avoir rien fait de mal.

Vous n’avez jamais été tenté de changer votre style musical ou suivre la mode, comme par exemple chanter du folk ?
Ah, non, non. Je ne voulais pas, c’est d’ailleurs mon plus gros défaut, car je ne me suis pas commercialisé. Je ne peux pas chanter ce que je ne ressens pas bien. Un jour si nous en avons l’occasion, je vous chanterai des chansons que j’ai composées et croyez-moi, ce n’est pas n’importe quoi. Je vais en étonner plus d’un. D’ailleurs, je vais les sortir mais quand je sentirai un réel intérêt pour ce que je suis et que ce ne soit pas un travail que j’aurai fait pour rien.

Dans la nuit du 23 juin 1963, le magazine Salut les Copains fête son premier anniversaire et invite tous les jeunes branchés à se retrouver Place de la Nation à Paris. Quelle est la véritable raison de votre absence à ce concert mythique ?
Mais je n’étais pas absent, j’étais là, moi !
C’est Lucien Morisse qui, au dernier moment, m’a dit : « Non, non, on n’a pas assez de service d’ordre, ils sont 300 000, avec ton numéro de rock’n roll trop agressif, on a peur qu’il y ait de la casse ». Et je n’ai pas chanté. Ce qui n’a pas évité les deux morts, les bagarres et tout le reste. Tout ça parce que je n’ai pas chanté.
Car il faut savoir qu’à l’époque, j’étais l’idole des « blousons noirs » des bas quartiers. Ils savaient que j’étais là, ils n’ont pas compris. On m’a annoncé pendant six mois tous les jours à l’antenne. J’ai appris par des gens qui ont trahi le show-business, qu’on m’avait mis chez Barclay pour me contrôler et pour m’empêcher de faire des choses très importantes et que je n’aille pas plus loin. J’étais dans le car de CRS avec Sylvie Vartan et Johnny Hallyday. J’ai attendu comme un con et on m’a dupé.

Il y a, à la même période, une rumeur qui deviendra par la suite une légende comme quoi vous auriez été très rapidement « en guerre » contre Johnny Hallyday. C’est quoi cette histoire ?
Je suis très ami avec Hallyday et moi je peux vous prouver quelque chose, c’est que je suis le seul véritable ami que Johnny ait dans ce métier.
Parce que je fais exactement le même job que lui et tous ceux qui l’entourent ne sont que des gens intéressés ou qui vont vers lui parce que c’est Hallyday.
J’ai chanté avec lui dans des boîtes, mais jamais sur scène. Aucune grande scène. Quand on se croise, on s’embrasse, j’ai même dormi chez lui. Je l’ai revu à l’enterrement de Barclay, il a été très content de me voir. Tout ça c’est encore une histoire montée de toutes pièces. …/…

D’après vous, qu’est-ce qui a fait que votre carrière n’a pas été celle escomptée, malgré votre grande popularité dans les années 60 ?
J’étais condamné d’avance. Il n’y a jamais eu une personne du show-business qui est devenue une star en vingt quatre heures sans avoir fait un disque, un film ou quelque chose d’autre. Dans toute l’histoire de la chanson française, il n’y a que moi à qui c’est arrivé, un coup comme ça. Un coup de presse monumental qui valait un million… moi je n’ai pas compris ce qui c’est passé. Bon, je chantais, mais je vous jure, je chantais comme un con et pas bien.
Maintenant je chante bien et, là, je suis très dangereux. J’ai quand même fait l’Olympia avec Little Richard en 2005. Il m’a invité sur scène et nous avons chanté en duo, quand même ! Je suis passé à un niveau supérieur. L’idée de chanter avec Little Richard a d’ailleurs été reprise par Eddy Mitchell et Johnny Hallyday sur leur dernier album. Je trouve ça curieux, car pour des professionnels comme ils le sont depuis si longtemps… Ou alors ils en ont plus rien à foutre, mais ils se sont trompés de chanson.
Pour faire un duo avec Little Richard, ce n’est pas n’importe quelle voix. C’est la voix du rock’n roll et ils se sont complètement trompés de chanson tous les deux, ou alors je ne comprends plus rien à la musique. On ne reprend pas une chanson d’Eddy Cochran en mettant un peu la voix de Little Richard dedans, ça n’a rien à voir, ce n’est pas bon, ce n’est pas bien.
Et même Little Richard n’a pas compris ce qui s’est passé. Parce que moi, je fais partie de la famille, j’ai chanté six fois en duo avec lui. Je connais toute la famille Penniman (ndlr : véritable nom de Little Richard). Je ne suis pas le roi comme Hallyday ou Dick Rivers, comme ils le disent. Les rois de quoi d’abord ? Je voudrais bien le savoir, surtout quand je suis là. Moi, je suis le fils du rock’n roll parce que c’est pur. Je suis vraiment le pilier du rock en France. Sans Little Richard et Gene Vincent, je n’aurais jamais existé, ça j’en suis conscient.


Chuck Berry et Moustique

À quel moment et dans quelles circonstances avez-vous mis votre carrière entre parenthèses ?
Dans ma carrière, j’ai été condamné à l’avance. Ils ont fait des combinaisons pour que j’atterrisse chez Barclay et pour qu’à chaque fois qu’il y a quelque chose d’important, on m’empêche de le faire. Il ne fallait surtout pas que je puisse grimper autour d’Hallyday et que le coup de l’Olympia se reproduise. On m’a mis chez Barclay en sécurité.
Il faut savoir qu’il y avait huit personnes qui contrôlaient tout le show-business et que Barclay faisait partie de la bande qui contrôlait tout le showbiz avec aussi Lucien Morisse. J’étais saucissonné à l’avance. J’étais condamné à mort sans avoir été jugé.

Vous avez sûrement de grands moments à nous raconter. Comme Bayonne, en 1997 ?
Alors là, Bayonne, c’est trop ! Je pars avec deux amis, Sandrine et Philippe, en train pour Bayonne. Là-bas, je suis dans le milieu des arènes et je vous jure que je ne vous mens pas.
Little Richard demande au public « Qu’est-ce que vous voulez que je vous chante ? » Je me trouvais en plein centre de l’arène avec autour de moi 7 000 personnes et je crie « Joy, Joy, Joy » assez fort. Il dit « Moustique, you are here ? Com’on Moustique ».
Les gens m’ont laissé passer, les gardes du corps m’ont fait monter sur scène et j’ai chanté une première chanson en duo avec lui. À la fin du concert il m’a rappelé sur scène et là j’ai eu le trac de ma vie. Il me demande « Qu’est-ce que tu veux chanter ? » Je réponds « Long Tall Sally ». Il a commencé le premier à chanter et quand est venu le moment pour moi de prendre la suite, plus rien… J’avais la bave au coin des lèvres, la pépie, j’avais envie de chier, de pisser, de dégueuler, j’avais aussi envie de pleurer.
C’est le grand trac qui arrive très rarement aux artistes. Ça m’est arrivé deux fois : une fois avec les Beatles au Palais des Sports quand toute la salle a crié « Moustique ! », j’ai été électrocuté sur place. Je me suis enfermé dans les chiottes et je n’ai plus voulu sortir. C’est au bout de vingt minutes que je suis revenu sur scène. Je ne pouvais pas, je ne pouvais pas, c’est tout, j’étais bloqué. Et là, avec Little Richard, ça m’est arrivé une deuxième fois en quarante quatre ans de carrière…
Pour revenir au spectacle de Little Richard en 1997, je vous explique comment ça c’est passé. Il y a eu un break, puis 2, puis 3, puis 4 et au 5e break, il me regarde. Il ne comprend pas ce qui m’arrive, je ne chante pas.
Alors, il va saluer le public, il ouvre les bras en croix et les gens font Ahhhhh ! La musique continue de jouer et d’un seul coup il y a le break de Long Tall Sally. Et là, je ne sais comment, mais je me mets à chanter. Je n’ai, à ce moment précis, pas reconnu ma voix et mes amis qui étaient présents m’ont dit : « Moustique, on a vu un nouveau chanteur de rock’n roll, ce n’était plus ta voix, ce n’était plus toi ». Et j’ai chanté, chanté, chanté comme un fou, j’ai pris le show de Little Richard à 5%. C’est pour le moment, le concert de ma vie.
J’ai offert et j’offre toujours vingt mille balles (ndlr :3000 euros) à toute personne qui aurait filmé ce concert, s’il existe une trace, je suis preneur. On ne sait jamais !

Aujourd’hui, j’ai une baguette magique et je vous dis « Moustique, je peux réaliser un de vos plus grands rêves ». Vous me demandez quoi ?
Mon plus grand rêve (musical) ce serait un spectacle avec Hallyday, Dick Rivers, Eddy Mitchell et moi. J’avais déjà fait cette proposition à Bruno Coquatrix quand il était encore de ce monde et il m’avait répondu que c’était une très bonne idée.
Malheureusement, et c’est là où cela me dégoûte, j’ai appris par la suite et d’après ce que l’on m’a rapporté, que ça n’a pas pu se faire à cause de l’ordre des passages sur scène. Quelle bande de merde, quand je pense que les plus grandes stars du monde arrivent, aux États-Unis, à se réunir sur scène sans histoires d’ordre de passages…

Je ne m’attendais pas à cette réponse, je pensais davantage à la chanson Travellin Man que vous avez composée pour Little Richard.
Ça oui bien sûr, j’en rêve, mais je pense aussi aux autres, je ne pense pas qu’à moi. Vous l’avez déjà écoutée cette chanson, elle est superbe et c’est le rock’n roll que tout le monde attend.

Vous êtes à nouveau sur scène et à l’affiche de la grande tournée Génération Rock’n Roll Tour 2007. On a constaté, que ce soit à l’Olympia ou à Amiens il y a quelques semaines, que le public ne vous avait pas oublié. Vous vous y attendiez ?
Vous avez vu la salle, comment les mecs je les ai réveillés ? On aurait dit qu’ils avaient vu Presley ! Et pendant l’interview, les deux journalistes, ils avaient quelque chose dans le regard. Je les ai rajeunis de quarante ans. Ils étaient encore sous l’emprise du spectacle.
Quand je chante, j’ai du Little Richard en moi, pas la voix bien sûr, mais la puissance et l’agressivité. Je suis avant tout un très très grand fan de ce chanteur et puis, je suis très sensible. Alors ce qu’il dégage, cet homme-là, c’est fabuleux et démoniaque.

Pourtant au moment des dédicaces d’après concert, vous êtes tout timide et vous restez dans votre coin.
J’ai tellement souffert, je suis le garçon le plus malheureux. Je vais vous expliquer pourquoi. On m’a volé quarante ans de ma vie, quarante ans de bonheur que j’aurais aimé donner aux gens et ça, ça me donne envie de pleurer (Moustique est au bord des larmes).Vous comprenez l’histoire ? J’ai la chance d’avoir un certain charisme, j’ai la chance d’avoir du talent, mais on m’a quand même volé quarante ans de ma vie. Eddy Barclay a écrit dans un livre « La seule erreur que j’ai faite, c’est d’avoir loupé Moustique ».

Elle est importante pour vous, cette tournée ?
La tournée Génération Rock’n Roll, j’y crois et je sais qu’elle sera un triomphe, je le sens. Le public nous le prouve à chaque concert et je veux encore tellement apporter du bonheur aux gens. C’est important pour moi.

Vous avez des projets de disque ?
Oui, mais ça je vais le faire tout doucement. Je vais prendre le temps qu’il faut, mais je ne veux plus sortir un album si je ne sens pas une équipe derrière moi. Je veux qu’on m’aime pour ce que je suis, que l’on m’apporte un vrai coup de mains, car je mérite que l’on s’occupe de moi correctement. Je ne veux plus que l’on me fasse du mal.



Propos recueillis par Liliane Boyer en 2007 (collector N°7) et interview publiée avec l’aimable autorisation du magazine Nos Tendres et Douces Années

http://www.nostendresannees.com/

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