Frères ennemis mais pas trop
FRANGINS *****
DANSE MACABRE
Tout un chacun use et abuse de l’adage “on ne choisit pas sa famille”. Ce pourrait être le titre de cette comédie acide écrite et co-mise en scène par Jean-Paul Wenzel. On ne saura rien ou si peu des événements ayant séparé ces trois frères pendant près de 40 ans. Un sms sibyllin les avertit de la mort prochaine de leur mère. Alors ils accourent car s’il est un lien plus ardu à rompre, c’est celui qui nous rattache à sa génitrice, peut-être davantage quand on est un homme.
Et plus encore quand on a connu la compétition fraternelle de cet amour au féminin présidant à la construction de tout le reste. Rien n’est évident, pas plus les circonstance que les retrouvailles elles-mêmes. On se toise, on se renifle. On peine à finir les phrases. On se frotte, se bouscule, s’engueule pour des raisons futiles et forcément obsolètes. A quoi bon ressortir les rats crevés dans les tiroirs. La mise en scène est volontaire, dépouillée, volontairement patraque dans les premiers instants. Les ours tournent en cage et dessinent en creux leurs personnalités, de grognements en borborygmes.
L’AMOUR ALTRUISTE DES FEMMES
Comment sortir de l’impasse ? Grâce aux trois moteurs qui font avancer les hommes, bien sûr. Cliché, me rétorquerez-vous. Et vous aurez raison… mais tellement réaliste, aussi. L’alcool délie les langues, désinhibe, écroule les barrières, gomme les différends et les différences. Les femmes, elles, apportent la douceur et la raison qui faisaient cruellement défaut. L’une est sur le point de s’éteindre, l’autre un amour de jeunesse, forcément le plus beau et le plus naïf. La dernière symbolise l’espoir, l’avenir, la fraicheur, la renaissance de bien des désirs. Et puis l’argent fera irruption, dernière griserie avant le dernier souffle.
Alors l’on finit par s’apprivoiser à nouveau, entre frangins. On commence à entrevoir l’essentiel, à oublier ce qui éloigne pour ne garder que ce qui retient. L’argent pouvait-il lutter bien longtemps face à l’amour vachard d’une fratrie et la tendresse infinie des trois femmes de leur vie ? Je prédis un succès pour ce spectacle bien plus profond et subtil qu’il ne le prétend lui-même, à l’image d’un décor décati recelant -ou pas- les secrets d’une histoire dans laquelle tout est donc trilogie. Une heure quinze de pur bonheur dont le mérite revient notamment aux cinq comédiens. Tous se révèlent excellents avec un accessit pour Viviane Théophilidès, telle une petite sœur de Bernadette Lafont, toute de gouaille et d’espièglerie. Quelle plaisante rentrée théâtrale !
Auteur : Jean-Paul Wenzel
Metteurs en scène : Lou Wenzel et Jean-Paul Wenzel
Avec : Philippe Duquesne, Hélène Hudovernik, Jean-Pierre Léonardini, Viviane Théophilidès, Jean-Paul Wenzel
PITCH
Ils ne se sont plus revus depuis leur jeunesse. Trop de violence, de fracas, de haine, d’amour sûrement. Trop grand sûrement. L’un a passé sa vie en taule, l’autre a écrit quelques livres, le troisième est magicien. La mère agonise dans la chambre, derrière, il reste une bouteille de mauvais whisky dans la cuisine.
C’est l’heure des comptes, de la parole, des rires aussi, des frictions, tout un maillage de violence, d’enfance tenace, d’animalité, de danger, de vraie tendresse et de méchante mélancolie… Ils ne sont pas seuls. La femme du magicien est là, elle observe, joue et se joue de ce trio fracassé. Et puis il y a la serveuse du bar qu’ils ont tous les trois aimée, adolescents. Elle va, en leur livrant des pizzas et du vin, entrer à son tour dans cette drôle de « danse.
Du 26 août au 11 octobre – Du mardi au samedi à 20 ou 21H00 au Théâtre du Lucernaire
53 rue Notre Dame des Champs – 75006 Paris
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