L’autre Lagerfeld
KARL LAGERFELD, A VISUAL JOURNEY
WO IST DU, HERR LAGERFELD ?
Karl Lagerfeld est un personnage étrange et fascinant. Derrière le designer de mode adulé dans le monde entier et détesté sans vraiment que l’on sache vraiment pourquoi, se cache un artiste pluridisciplinaire au talent remarquable. Alors si à vous aussi, l’envie vous prend de découvrir une autre facette du dandy hambourgeois, précipitez-vous à la Pinacothèque.
Les références du créateur sont multiples, hétérogènes, tant dans les techniques mises en œuvre que dans les sujets abordés. Architecture, mannequins, design automobile, portraits de stars… sont autant de pistes qui conduisent à s’approcher d’une certaine vérité, bien loin des clichés (pardon pour ce mauvais jeu de mots) de l’univers fashion, creux et tristement prétentieux des podiums de défilés.
FENETRES DE LIBERTE
Le grain d’un photo en écho de celui d’une peau, l’abstraction, le flou, la texture d’un masque de dentelle…ces tirages gigantesques témoignent des ambitions d’un homme sans doute en quête d’une reconnaissance qui s’est jusqu’ici refusée à lui. Comme chez tant d’artistes, l’on décèle dans son travail, ici photographique, une oscillation permanente entre désir de laisser une trace et détachement désabusé. Comme s’il était revenu de tout, Lagerfeld se libère, se découvre, se raconte. L’approche stylistique d’une grande rigueur apparente la production du Meister à un art pictural et pas seulement à la saisie d’instants volés. Tout est méthodiquement orchestré, mis en scène, pour notre plus grand plaisir. L’on se surprend à s’approcher pour scruter le détail, avide de trouver quelque imperfection, en vain.
Un paradoxe que de chercher à ce point une esthétique sans le moindre défaut et atteindre un tel degré de liberté ? Je ne le crois pas. Le travail d’orfèvre ouvre les portes d’un monde où tout est beau, même ce qui ne l’est pas.
L’EXPOSITION
« Toute chose qui demande une explication ne la vaut pas. » Voltaire
« L’exposition “Karl Lagerfeld, A Visual Journey” explore la grande diversité de motifs, approches et techniques qui définit l’interprétation subtile et très personnelle que fait Karl Lagerfeld de la photographie. Elle met en lumière les nombreux centres d’intérêt de Lagerfeld, parmi lesquels l’architecture, les paysages, Paris la nuit, les portraits et autoportraits, la photographie de mode et l’abstraction (un goût pour les arts graphiques caractérise un grand nombre de ses photos, quels qu’en soient les sujets). Deux grandes installations – “Daphnis et Chloé et Le Voyage d’Ulysse” – couronnent cette présentation complète de l’œuvre photographique de Lagerfeld.
Lagerfeld, n’étant pas homme à se limiter à une seule manière d’appréhender ce qui l’entoure, adapte son style photographique en fonction du sujet : « Les gens veulent toujours savoir quel est mon style photographique. Je n’en sais rien, explique-t-il. C’est à l’observateur de me le dire. Je n’ai pas un style, mais plusieurs, ou aucun. Il ne faut jamais rester immobile, ni dans la vie, ni dans la mode ou la photographie. »
Une telle souplesse créative et le désir de ne jamais se répéter orientent la vision photographique de Lagerfeld, tout comme son ambition de préserver les impressions fugaces qui pourraient sinon glisser vers l’oubli : « J’aime l’éphémère : la mode est mon métier. Mais la nature éphémère d’une photographie se situe à un autre niveau que celui de la mode. Il est aussi dangereux de vouloir refaire une image qu’il est périlleux de vouloir s’inspirer de collections passées. Le fameux “jamais plus” d’un instant unique donne à la photo une dimension de plus, une sorte de nostalgie instantanée sans passéisme. »
Malgré son impressionnante production en tant que photographe, Lagerfeld commence sa carrière photographique relativement tard. Il réalise ses premiers clichés professionnels en 1987, ironiquement plus par nécessité que par choix. « Je n’avais jamais pensé que je pourrais en faire, si mon ami Éric Pfrunder, directeur Image chez Chanel Mode, ne m’avait pas littéralement un jour poussé, par nécessité, ayant besoin d’urgence de photos pour un dossier de presse. Aujourd’hui, la photo fait partie de ma vie. Elle clôt le cercle de mes préoccupations artistiques et professionnelles. »
Dès ses débuts, Lagerfeld s’est autant intéressé aux durées d’exposition et aux techniques d’impression qu’aux compositions en elles même. Pour lui, une photo n’est pas juste une image mais un objet visuel dont l’identité dépend des techniques qui l’ont fait naître. Karl Lagerfeld, A Visual Journey présente ainsi tout le spectre des techniques photographiques de Lagerfeld, dont des daguerréotypes, platinotypes, transferts d’images polaroïds, résinotypes, tirages Fresson, sérigraphies et impressions numériques. Eric Pfrunder and Gerhard Steidl, curators of the exhibition »
« J’ai le bonheur de pouvoir consacrer ma vie à ce qui m’intéresse le plus : la photographie, la mode et les livres, et ce dans les meilleurs et plus parfaites conditions. Je suis très chanceux.» Karl Lagerfeld
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