Saint Laurent
“Saint-Laurent” : ****
SAINT-LAURENT, ANGE DECHU
La vie est un mirage, une plaie ouverte. Même les êtres d’une grâce infinie se meuvent englués, entravés et… font semblant. Mettre un pied devant l’autre sur une corde bien trop étroite pour avancer d’un pas assuré, tel fut le sort de ce génie de la mode comme du commun des mortels. Il crut un temps à ce don du ciel qui le faisait dessiner la silhouette d’une femme avec la même facilité qu’on tire des bouffées sur une cigarette. Mais comme la cigarette, le mirage du talent est un poison lent et sûr. L’ange s’est su déchu dès les premiers instants. Il ne put lutter qu’en parant la vie des plus beaux atours, de soie et d’organza.
UNE VIE ABSENT A LUI-MEME ET POURTANT, OU LE MIRAGE D’UNE VIE ETERNELLE
Bertrand Bonello filme le rôle éponyme avec la juste distance. Les silences disent en creux ce qu’il ne pouvait comprendre de ce personnage fragile et complexe. Sa mise à scène délicate et silencieuse et surtout son montage anachronique laissent toute la place à une atmosphère languide. Jérémie Rénier tout en rectitude, tout en respectabilité, est parfait en tuteur de ce rosier qui n’en finissait pas de produire ses fleurs colorées ou noires. Mais c’est surtout le tandem des amants Ulliel et Garel qui fascine, fascine de désespoir à ne pouvoir aimer sans souffrir, aimer sans faire souffrir, aimer sans parvenir à écraser la tête de ces milliers d’assaillants, serpents aux noms exotiques de whiskey, luxure, héroïne, désir, champagne, sida, anxiolytique, vacuité, caprices. Ce monde est déjà mort, semble dire Saint-Laurent. Mais aussi sombre que soit le conte, l’âme est ailleurs… là résidait sans doute ses craintes les plus intimes, ses craintes et son salut.
Biopic de 2h30 de Berntrand Bonello avec Gaspard Ulliel, Jérémie Rénier, Amira Casar, Louis Garel, Léa Seydoux, Aymeline Valade
Synopsis : 1967 – 1976. La rencontre de l’un des plus grands couturiers de tous les temps avec une décennie libre. Aucun des deux n’en sortira intact.
No Comment